Nous avons vu, la semaine dernière, que ce qui constitue des « difficultés » dans la maitrise orthographique du passé composé, en français, pouvait être considéré comme un avantage si l’on part du principe que les règles qui régissent les graphies de ce temps composé pourraient être considérées comme un avantage : elles obligent le scripteur a penser, réfléchir. Cependant, pour éprouver quelque plaisir à « penser, chercher », il faut être avoir les capacités neurologiques de le faire. Or, plusieurs chercheur.ses ont démontré que les compétences complexes (dans le cas de la syntaxe ce sont les aptitudes qui demandent de lier plus de deux termes) sont traitées dans le lobe frontal qui est le dernier à se développer, achevant son évolution à la fin de l’adolescence. « Les tâches complexes trouvent leur solution dans les lobes frontaux qui se développent à l’adolescence… » (Frances E. JENSEN Le cerveau adolescent, 2017).
Ces constatations en sciences cognitives viennent corroborer des recherches en didactiques [Béatrice & Philippe POTHIER, Pour un Apprentissage Raisonné en Orthographe Syntaxique, PAROS, éditions RETZ, 2008] qui constatent que certains enseignements apparaissent trop tôt dans la scolarité, puisque les Textes officiels préconisent d’aborder ces graphies complexes, dès l’école primaire. Les Textes de 2018 préconisent, en CM1 : « Pour les temps composés, il (l’élève) conjugue sans erreur les verbes étudiés avec l’auxiliaire avoir et le participe passé ». Ceci ne semble pas en accord avec les recherches sur les fonctions cognitives.
Les compétences mises en œuvre :
- Reconnaitre le verbe « J’ai un déjeuner / J’ai déjeuné » (verbe « déjeuner »).
- Savoir ce qu’est un auxiliaire. Qui aide par son concours (sans être indispensable). Moyen auxiliaire.
Personne qui aide en apportant son concours. Faire de qqn son auxiliaire. (Le Robert)
- Avoir la notion de « participe passé » (fermé, compris, venu, maudit, suffi, joint…)
- Faire la différence : « être » et « avoir » : /jɛ/ j’ai (avoir) /ilɛ/ il est (être), même prononciation, verbes différents…
- Savoir conjuguer les auxiliaires au présent de l’indicatif.
- Maitriser les accords en genre (masculin vs féminin) avec l’auxiliaire « être ».
- Maitriser les accords en nombre (singulier vs pluriel), avec l’auxiliaire « être ».
- Savoir que le participe passé ne s’accorde pas avec le sujet avec l’auxiliaire « avoir ».
- Savoir que, dans ce cas, le participe passé s’accorde avec le COD… s’il est placé avant…
- Savoir reconnaitre un COD…
- …
Il apparait bien complexe de maitriser tous ces éléments constitutifs de l’orthographe du passé composé à l’école primaire !
Les différentes composantes de cette graphie peuvent être étudiées séparément dans les classes élémentaires (avec des progressions raisonnées) afin de les mettre en œuvre, petit à petit au service de la graphie de ce temps de verbe. Cette approche, expérimentée dans divers lieux (en France, en Suisse, en Ontario, au Québec…) s’avère beaucoup plus cohérente et vraiment plus satisfaisante tant en ce qui concerne les résultats qu’en ce qui concerne le ressenti des apprenant.es.