Pour revenir à l’explication des différents traitements de la lettre « h » à l’initiale en français, les élèves des classes primaires ont été, il fut un temps, bercés, par les enseignements qui leur assuraient qu’il existe deux sortes de « h », lorsque cette lettre se trouve à l’initiale du mot :
- Le « h » muet. Mais, comme il a été vu, cette lettre employée seule n’est jamais un phonème, en français ! Comment donc un « h » muet pourrait-il se distinguer d’un autre (non muet ?) puisque ce phonème ne fait aucunement partie du système phonologique de la langue en question ? Exit le « h » muet, ils le sont tous !
- Le « h » aspiré. Il est assez incompréhensible que cet adjectif ait pu être et rester accolé dans cet attelage lexical puisque chacun sait que, lorsqu’un individu parle, il fait sortir l’air par la bouche ou par le nez, mais qu’il ne l’aspire jamais. Il l’expire, le rejette, le souffle ! Les élèves francophones, peu habitués, précisément, à ce que le « h » soit un phonème, rencontrent au début de leurs apprentissages, quelques difficultés lorsqu’ils sont confrontés à l’anglais, à l’arabe ou à l’allemand (ou n’importe quelle langue dans laquelle le phonème [h] existe). Ils confondent en anglais, hit et it, eat et heat etc. Les enseignants, tentant de leur faire prendre conscience de ce phonème étranger, leur proposent parfois de souffler sur de petits papiers placés sur leur main en tentant de réaliser des termes comme « the house ». Les élèves s’y essaient, mais qu’adviendrait-il s’ils aspiraient les « h » ?
L’attitude phonologique à préconiser aux enfants devant la lettre « h » ne saurait être soit « muet », qui ne le définit aucunement, ni «aspiré » qui est contraire à la vérité physique.
Comment savoir s’il faut faire la liaison et, donc l’élision, en présence de cette lettre à l’initiale ? Les explications, qui permettent de faire ce qu’il convient, tiennent :
- soit à l’étymologie des termes concernés et présentent alors deux traitements différents,
- soit, dans un second type d’explication, l’attitude à tenir touche davantage à l’aspect sémantique du mot en question.
- Lorsque la raison est étymologique :
- Soit les mots en question proviennent de la langue latine, la lettre initiale « h » permet la liaison et l’élision puisque, pas plus qu’en français, cette lettre n’était un phonème en latin, à la fin de l’existence parlée de celui-ci. La langue française contient beaucoup de ces termes :
- « un haltère », que l’on orthographiait « altères » jusqu’en 1636 ;
- « une hirondelle », dont l’origine provençale irondela, a remplacé l’Ancien Français arondelle, de aronde (même sens) qui ne laissait pas apparaître de « h » initial ; on retrouve ce terme en ébénisterie dans «une queue d’aronde ».
- « une haleine » sans « h » étymologique puisque ce terme provient de aleine, 1080; déverbal de l’ancien français alener, lui-même du latin anhelare par métathèse de n et l, et qui a été écrit avec un h initial par réfection du lat. halare « souffler ».
- « habiter, une habitude, une hallucination… »
Il pourrait être intéressant de faire chercher et de faire réfléchir les élèves sur ces termes, (voire les étudiant.es), qui découvriraient ainsi une partie de l’histoire des mots de la langue française. Il est vrai que les apprenants affectionnent particulièrement de connaître les origines des termes qu’ils emploient et que celles-ci peuvent leur être une aide en orthographe lexicale.
- S’ils proviennent de langues dans lesquelles le « h » est non seulement une lettre mais également le phonème [h] ; la présence de celui-ci sera, en général, marqué par l’absence de liaison et une impossibilité d’élision. C’est le cas des termes qui proviennent :
- de la langue anglaise comme : « un hamburger », qui, contrairement à la fausse étymologie qu’on lui attribue parfois, vient dès 1902 des mots américains Hamburger steak qui signifiaient strictement « steak à la façon de Hamburg », et que nos cousins québécois appellent « un hambourgeois ». Citons encore, « un hippy », mot américain, de hip «dans le vent, à la page », « un hall », de l’ancien francique halla ou hala qui a tout d’abord donné une halle, « un hacker » de to hack signifiant « hacher, tailler » en anglo-américain, etc.
- de la langue arabe : « un hammam » : de l’arabo-turc hǎmmām qui signifiait un bain chaud, « un harem » de hǎrăm « ce qui est défendu, sacré », appliqué aux femmes qu’un homme étranger à la famille ne doit pas voir, « halal » (ou hallal), qui signifie « licite », un hadj » (ou hadji) qui se trouve dans la langue française depuis 1743 et qui provient de hagis, 1567, puis hodge, 1731, de l’arabe vulgaire (populaire) hǎdjdjī et qui signifie : « celui qui a accompli le pèlerinage de La Mecque »…
- de la langue allemande : « un hamster » qui signifiait, à l’origine un ver de blé, un charançon, « un hangar », de haim, le petit village et d’un équivalent de garder, actuellement « enclos, construction sommaire où l’on garde ou abrite des marchandises », « haler », amener, aller chercher, « hagard », originellement «un sauvage »
- du hongrois : « un hussard» qui vient du terme signifiant « vingt ». Lors de la guerre de trente ans, un homme sur vingt était levé pour former la cavalerie légère hongroise.
- D’une langue amérindienne (le taïno): « un hamac », cité par Levi Strauss dans tristes tropiques.
- ou plus récemment de la langue japonaise « un haïku », qui désignait un verset initial dans la poésie, etc.
- Une autre catégorie de mots français ne permet ni l’élision ni la liaison. La raison n’est pas à chercher dans l’étymologie mais, dans un effort de réalisation pour éviter la polysémie. Il s’agit de ces termes où la différence de sens ne réside que dans la possibilité ou non de faire la liaison : « un hêtre / un être, un halètement / un allaitement, la hauteur /l’auteur, le héros /l’Hérault, (voire, aux pluriel : des zéros »), etc.
Pour ce dernier exemple, il est à noter que la liaison (et par voie de conséquence l’élision) ne se fait pas entre le déterminant et le substantif quand il s’agit du masculin, mais le féminin se dit /yneʀoin / : une héroïne et lorsque l’on parle de l’action, la langue française accepte /leʀoism/ : l’héroïsme. Comment les apprenant.es peuvent-ils s’y reconnaître et trouver une logique quelconque ?
Cette particularité graphique se révèle extrêmement intéressante à exploiter avec les dits apprenant.es et peut occasionner beaucoup des recherches et bien des découvertes qui serviront à la fois l’acquisition lexicale, sémantique, et orthographique, sans compter l’intérêt que cela peut susciter chez les jeunes (et les autres) pour l’étymologie et la connaissance de l’histoire de la langue.
Comme on le voit, la présence du «h » graphique à l’initiale peut devenir un prétexte à des explications linguistiques qui ne sauraient, en aucun cas, se satisfaire de la différence entre le ‘h’ muet et le ‘h’ aspiré !